Que sur toi se lamente le tigre, Emilienne Malfatto
Un premier roman, dans l’Irak d’aujourd’hui, coup de poing, coup de coeur.
Ce magnifique premier roman, Que sur toi se lamente le Tigre, mis en avant chez ma libraire, m’a interpellé, par sa couverture et son si joli titre. Il promettait un voyage, une évasion lointaine à laquelle j’ai succombé très vite. Le cursus de son auteur habituée aux théâtres de guerre, sa si belle couverture ont eu raison de moi. C’est encore une découverte d’éditeur. Elyzad, maison tunisienne, s’emploie depuis 2005 à publier de la littérature en français, pour faire passerelle entre le sud et le reste du monde. Un catalogue à découvrir, s’il renferme d’autres pépites comme celui-ci!
Donc tout se passe dans l’Irak contemporain, rural et conservateur. Des voix s’élèvent à tour de rôle pour prendre la parole et nous raconter. Nous dire cette chronique d’une mort annoncée, nous dire la guerre, nous dire une société bafouée, nous dire un pays millénaire. Jeune femme, elle sera la première à parler. Elle a aimé, furtivement, mais entièrement. Son promis est mort avant le mariage, ne lui laissant qu’un seul souvenir et un enfant à venir. Elle sait qu’elle en mourra. Pas de chagrin, non! Mais de la main du grand frère qui ne pourra pas laisser passer un tel déshonneur. Puis dans ce roman polyphonique c’est une ronde de personnages qui prend la suite pour dire le jugement, la compassion ou la lâcheté mais jamais le refus. Parce qu’il n’y a aucun doute, la délivrance ne pourra être que funeste. En résonance à tous ces voix, celles de Gilgamesh, héros épique de Mésopotamie, et celle du Tigre, fleuve spectateur , nous font entrer dans la mémoire et l’histoire de ce pays meurtri et à vif.
Que sur toi se lamente le Tigre, un roman qui résonne fortement.
Et il nous met face à une réalité cruelle. Celle des femmes d’Irak, à qui rien n’est offert que le joug de la tradition et de la religion. Emilienne Malfatto, qui par son parcours professionnel connait si bien ce pays, nous le rend terriblement attachant, prisonnier qu’il est, de ces hommes qui ne répondent à la guerre que par la violence. Son empathie, sa sollicitude pour ces femmes, en fait des héroïnes du quotidien, des braves. C’est un texte magnifique, plein d’émotions. On s’attache, on repousse, on vit, cette tragédie. J’ai voulu arrêter le temps, j’ai voulu faire entendre ma voix. J’ai surtout voulu qu’il dure ce petit trésor. Car extrêmement court, tout à la tension qu’il décrit et grâce à une plume fluide et poétique, il se dévore. Un premier roman, mais du grand art.
Emilienne Malfatto, fait de cette histoire de mort, un chant d’amour d’une intensité folle. Un chant, un cri, hurlé dans un désert!
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