Les impatientes, Djaïli Amadou Amal
Oeuvre de patience, les impatientes de Djaïli Amadou Amal, prix Goncourt des lycéens 2020.
Paru dans un premier temps sous le titre de Munyal, les larmes de la patience, en 2017, Les impatientes de Djaïli Amadou Amal est un formidable coup de coeur. C’est à l’occasion d’une réécriture voulue par l’éditrice Emmanuelle Collas qu’il prendra ce titre et connaitra le succès que l’on sait, jusqu’à la liste finale du Goncourt. Il fera de son autrice un des plus grands auteurs du Cameroun. Ce roman est un cri contre l’injustice. Contre la cruauté des hommes envers leurs épouses, achetées, marchandées, là-bas en Afrique sahélienne.
Djaïli Amadou Amal, porte voix des impatientes.
D’abord c’est aussi parce qu’elle a subit le mariage forcé, que sa famille lui a demandé d’être patiente, qu’elle s’est dégagée de cette emprise, que Djaïli Amadou Amal se veut être la voix des violences faites aux femmes. Reconnue et adulée elle dénonce et fait de son message et de ses livres des armes d’instruction massive. Peule, musulmane et féministe, elle montre, explique, accuse le sort de ces jeunes, très jeunes femmes du Sahel et revendique la possibilité des autres voies, celle de l’instruction, du libre-choix et de l’indépendance.
Munyal, comme un mantra, une incantation pour faire accepter l’inacceptable.
Ce court roman polyphonique nous emmène au Cameroun. Il débute un jour de mariage. De mariages. Ceux de Ramla et Hindou. C’est Ramla qui sera la première voix. La jeune femme nous raconte comment à 17 ans, dans quelques heures elle sera mariée, elle sera la seconde épouse. Elle nous décrit le cérémonial, les avertissements des hommes, père et oncles, les préparatifs des femmes. Et elle nous fait entendre l’émotion, l’injustice. Lycéenne, avec l’envie d’être pharmacienne, de vivre une autre vie que celle promise, amoureuse, elle raconte, le poids de la tradition, le poids de la famille, de la religion, de la corruption. Elle dévoile les dessous d’un système qui fait des filles, des valeurs à négocier. Des objets à marchander, par les pères mais aussi par les oncles dans un pays où la polygamie est un usage.
Puis ce sera au tour de Hindou de raconter. L’union forcée avec Moubarak, le cousin, alcoolique et brutal, qui fera des viols conjugaux et des coups le quotidien de la jeune fille. Elles n’auront que l’une et l’autre pour se confier, pour comprendre. Et dernière voix est celle de Safira la première épouse jalouse, qui cherchera à tout faire, sous couvert d’occultisme pour reprendre sa place de préférée. Elle n’aura de cesse de mentir pour faire renier Ramla avant de s’apercevoir qu’elle n’est pas la rivale tant redoutée.
Des impatientes à l’épreuve de la patience.
Finalement tout est décrit avec force et pudeur à la fois. Si les cruautés sont décrites sans filtre elles le sont aussi sans pathos. J’ai lu ici la dure vie des jeunes africaines du Sahel. Une vie bien loin de celle rêvée par ces impatientes. Effectivement tout n’est qu’usages et coutumes. Les conseils données par les ainées ne sont jamais bienveillants. Elles ont vécu tout cela bien avant et résignées, sans encourager, elles ne dénoncent pas. Apparait une solitude extrême pour ces jeunes filles prises entre des hommes qui appliquent les règles et des femmes qui ne peuvent pas se révolter.
Enfin la fin s’ouvre sur une note d’espoir. Un espoir qui nous fait espérer un meilleur pour Ramla. Mais il n’en reste tout de même que ce roman est avant tout une réalité cruelle. Une réalité qui m’a profondément émue et résonnera longtemps.
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